Les conséquences économiques de la pandémie du coronavirus se font de plus en plus nettes. Dans le bâtiment, la situation a empiré au niveau des commandes. Comme l’expérience l’a déjà montré, le paysagisme en ressentira les effets avec un certain décalage. L’entrepreneur paysagiste a donc d’autant plus intérêt à améliorer la bonne santé de son entreprise.
(Tom Müller*) Pendant la crise du coronavirus, les ménages ont pu mettre CHF 2 000 par mois de côté. Le moment est venu de se réserver une part du gâteau. Cette phase inédite du confinement, qui a été difficile pour beaucoup de gens, a aussi fait apparaître toute l’importance d’avoir un joli chez-soi, et des plans de transformation des jardins ont pu, sans aucun doute, arriver à maturation. L’entrepreneur paysagiste pourrait saisir cette excellente opportunité et réfléchir précisément à ce qu’il va pouvoir faire des projets de ces propriétaires de jardin et déterminer aussi là où il ferait mieux de s’abstenir. En ma qualité de spécialiste en gestion de l’entreprise, j’ai la chance de pouvoir accompagner de nombreuses entreprises paysagistes en tant que conseiller et animateur de vente. J’admire toujours comment l’entrepreneur paysagiste parvient à maîtriser la complexité de son secteur mais je sais aussi reconnaître là où il reste du potentiel, notamment en termes d’économie de l’entreprise.
Là où il faut s’abstenir et là où il faut agir
« J’offre une remise COVID de 5% à tous mes clients et j’arrive ainsi à remplir mon carnet de commandes en un clin d’œil ! », pensent les uns. Pratiquer des prix inférieurs à la juste valeur constitue justement ce qu’il ne faut pas faire pour retrouver l’élan que la COVID-19 a fait perdre. Sachant qu’il faut viser dans les 10% de marge brute d’autofinancement, une remise de 5% engloutit généralement la moitié du bénéfice d’exploitation. Bien sûr, en tant qu’entrepreneur, j’ai conscience qu’il faut parfois savoir faire contre mauvaise fortune bon cœur si l’on veut pouvoir se mettre quelque chose sous la dent. Mais en aucun cas cela ne doit devenir une stratégie de fond.
« Je mets les bouchées doubles et ainsi je vais pouvoir rattraper mon retard !», se disent les autres. A ceux-là je réponds : va plutôt siroter au jardin une infusion de camomille et de valériane et profite un peu du sommeil COVID pour cesser de t’agiter inutilement ! Prends donc un peu le temps de reconsidérer certaines façons de faire. Pour savoir comment faire, poursuis donc ta lecture.
« Stratégie ? Très peu pour moi ! Nous allons continuer à faire la même chose que ce que nos clients nous ont réclamé l’an dernier – après tout, cela a toujours fonctionné jusqu’ici ! », voilà le genre de réflexion qui peut traverser l’esprit. Il n’est certes pas idiot de tirer les leçons du passé – mais pas de là à en faire l’argument clé d’une stratégie ! Quand on s’engage vers l’avenir à reculons, il ne faut pas s’étonner si l’on finit par se retrouver les quatre fers en l’air.
Celui qui veut remettre les gaz en sortant du confinement aura tout intérêt à examiner son entreprise à la loupe pour analyser les aspects suivants :
1. Reconsidérer la stratégie
Les grandes entreprises ont, en général, des stratégies mûrement réfléchies tandis que bien des petites entreprises n’en ont aucune. Il ne s’agit pas d’investir beaucoup d’argent pour formuler une nouvelle stratégie. Aujourd’hui, tout le monde veut prendre le train de la biodiversité en marche – tant mieux – en principe, mais si tout le monde s’y met, il va falloir que tu le fasses encore mieux que les autres. La vraie question est la suivante : où peux-tu être meilleur que tes concurrents et comment vas-tu arriver à traduire cet argument clé pour le mettre en œuvre dans l’entreprise, puis comment vas-tu t’y prendre pour arriver à faire passer le message jusqu’au client ? En même temps, il existe, outre la biodiversité et l’engouement climatique, bien d’autres potentiels intéressants qui ne demandent qu’à être exploités. 61% de la richesse est entre les mains des séniors. Sans compter que l’âge venant, les séniors ne sont plus en mesure d’entretenir eux-mêmes leur jardin. Qui peut me nommer un entrepreneur paysagiste qui ait choisi les besoins des séniors comme domaine de spécialisation ? Personnellement, je n’en connais (encore) aucun.
2. Parvenir plus vite à mieux appréhender les besoins
Entrepreneurs et cadres sont nombreux à avoir des difficultés à appréhender les besoins des clients rapidement tout en restant précis. Il y a là un formidable potentiel en termes d’économie de temps. La formation de nos vendeurs vise à ce qu’ils parviennent à présenter en gros les besoins des clients en moins de quinze minutes d’une façon permettant de dresser un devis. Comme déjà dit, à ce stade, le degré de précision n’est pas encore de 100%. Les chances d’établir un bon devis sont en cela bien meilleures car les clients se sentent mieux écoutés et mieux compris. Certes, en pratique, les besoins du client continuent toujours d’évoluer au fil de la collaboration (et aussi postérieurement à l’établissement du devis) et si cela peut être un peu pénible, cela fait tout simplement partie du jeu.
3. Recourir davantage aux solutions standards, telles que les plantes vivaces en mélanges
Les solutions standards du type plantes vivaces en mélange ont à la fois l’avantage d’avoir été parfaitement étudiées et testées par les producteurs et celui de simplifier considérablement le discours de vente, l’établissement du devis et la facturation. A l’achat d’une voiture, le client ne veut pas avoir son mot à dire sur le type de compteur dont va être équipé le véhicule. Cela fait, ni plus ni moins, partie du lot, un point c’est tout. Les besoins des clients ne sont bien sûr jamais les mêmes mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas travailler avec certains éléments issus des solutions standards. Les fameux styles de jardin personnalisés en fonction des désirs spécifiques des clients appartiennent aussi, de mon point de vue, à la catégorie des solutions standards. Aussi passionnant que cela puisse être, il n’est pas non plus chaque fois nécessaire de réinventer et de recomposer intégralement l’aménagement du jardin.
4. Rédiger moins de devis – remporter plus de commandes
Je déteste rédiger des devis quand mon intuition me dit que je n’obtiendrai pas la commande, quoi que je fasse. Alors que faire ? Il est certes délicat de refuser de rédiger un devis, mais, à coup sûr, le conseil suivant ne peut être qu‘utile : il faut faire préciser au client quels sont, en dehors du prix, ses critères d’acquisition. On a tout intérêt à s’enquérir auprès du client des chances d’acquisition avant même de rédiger le devis, dans le genre : « Si je vous soumets un devis correspondant exactement à ce que nous avons convenu pensez-vous que vous nous demanderez ensuite d’exécuter la commande ? » Sans tenir lieu de garantie, c’est néanmoins une sorte de protection morale qui a déjà fait ses preuves.
5. Attendre l’acceptation du devis avant de passer aux plans détaillés
On s’imagine aisément la frustration ressentie quand, au terme d’un interminable échange de projets et devis, le client finit par confier la réalisation du projet à un concurrent, en récupérant peut-être même des idées, des ébauches ou des plans déjà péniblement élaborés. Certes on ne pourra pas toujours se montrer intraitable mais une certaine prudence s’impose en l’occurrence : par exemple, le client pourra tout simplement se rendre sur le site www.gartendialog.ch de JardinSuisse pour y ébaucher lui-même le jardin de ses rêves. C’est un moyen de décharger tes capacités de planification qui permet d’aboutir à une meilleure appréhension des besoins du client. Bien sûr, le paysagiste aguerri devra encore étudier le projet pour s’assurer de sa faisabilité dans les conditions réelles qu’offre le jardin du client.
6. Seuls des collaborateurs autonomes apportent une aide réelle à leurs chefs
Cela m’impressionne toujours de voir comment les entrepreneurs paysagistes et les conducteurs de travaux parviennent à maîtriser la complexité croissante des marchés. Mais je vois aussi beaucoup d’entrepreneurs qui tirent excessivement sur la corde et se retrouvent très souvent surmenés. Nous nous attachons à faire en sorte que tous les responsables de l’entreprise soient contraints d’en appeler à l’autonomie de leurs collaborateurs. Nous faisons ainsi évoluer les responsables en véritables chefs de centres de profit. Il n’est pas pour autant obligatoire que cela apparaisse noir sur blanc sur l’organigramme ou dans la description du poste.
Aucun collaborateur ne peut plus dès lors se permettre de venir déverser sur le bureau du chef des problèmes non résolus. Il n’y a qu’ainsi que nous pouvons soulager les entrepreneurs pour qu’ils soient en mesure de se concentrer sur la direction stratégique de la société. De nouvelles solutions logicielles, telles que le Building Information Modeling, peuvent évidemment s’avérer utiles en la matière. Toutefois ce choix n’est rentable qu’au-delà d’une certaine taille de l’entreprise.
7. Rompre avec les pics de charge et combler les temps morts
En termes d’économie d’entreprise, il s’avère judicieux, particulièrement dans le cadre de l’entretien des jardins, de pouvoir reporter systématiquement à la mi-saison les travaux indépendants des aspects saisonniers. Cela ne pose généralement aucun problème quand on le demande aimablement au client. En plus de réduire le stress qui pèse sur le personnel exécutant tout au long de la haute saison, cela procure à l’entreprise une charge de travail de base prévisible sur les douze mois de l’année. Il va de soi que le jardinier professionnel aura pris soin de convenir du prochain rendez-vous avec le client au moment où il termine les travaux dans le jardin de celui-ci. Et comme expliqué ci-dessus, au point six, il aura élaboré de façon largement autonome le plan de ses travaux.
Et voilà, plus besoin d’aller boire l’infusion de camomille et valériane – le succès accompagne la sérénité retrouvée !
* Tom Müller est animateur de vente pour la branche verte. Spécialiste en gestion de l’entreprise, il est titulaire d’un brevet d’enseignement et d’une formation de coach. Il est aussi l’auteur de manuels pédagogiques et d’un ouvrage de management commercial.
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